
Rencontre avec Nesrine Dani, Fédération Envie
Depuis plusieurs dizaines d’années, le réseau Envie est un acteur incontournable de l’économie circulaire et de l’insertion socio-professionnelle. Présente sur tout le territoire, l’organisation emploie aujourd’hui près de 3 700 salariés, dont 2 800 en parcours d’insertion, et conjugue sensibilisation, réparation, reconditionnement et vente d’électroménager à prix solidaire.
Pour Nesrine Dani, qui travaille depuis une dizaine d’années dans le champ de l’insertion et de l’économie circulaire, l’histoire d’Envie repose sur un double engagement : allonger la durée de vie des appareils électroménagers et créer des emplois durables pour des personnes éloignées de l’emploi.
La réparation au cœur de la stratégie d’Envie
Si Envie est surtout connue pour ses magasins solidaires et son rôle de pionnier du reconditionnement, la réparation s’impose aujourd’hui comme un axe stratégique majeur.
« Nous sommes les seuls à la fois réseau d’insertion et tête de réseau labellisée QualiRépar sur les Equipements Electriques et Electroniques. C’était important pour nous de franchir cette étape afin de structurer la filière et d’encourager l’accès à la réparation pour tous », explique Nesrine Dani.
La Fédération rappelle que le frein financier, souvent mis en avant, ne suffit pas à expliquer la faible part d’objets réparés en France. L’enjeu réside aussi dans l’accès aux services de réparation, dans la formation des réparateurs, et dans la capacité des structures à absorber des coûts administratifs et financiers encore trop lourds.
Sensibiliser pour changer les habitudes
Au-delà des ateliers de réparation, Envie mise sur la sensibilisation des citoyens. L’objectif : développer le réflexe d’entretien et prolonger la durée de vie des appareils.
« Nous avons conçu des supports pédagogiques pour apprendre à prendre soin de son lave-linge, de sa cafetière ou de son lave-vaisselle. Selon l’ADEME, 70 % des pannes du gros électroménager sont dues à un mauvais usage ou à un manque d’entretien. Si l’on agit en amont, on évite la casse et donc la réparation coûteuse », souligne Nesrine Dani.
Envie anime ainsi des ateliers pratiques, des conférences et des festivals, comme Enviebrations, qui permettent de démocratiser la culture de la réparation et de rendre ce geste désirable.
Acteur engagé des Journées Nationales de la Réparation
Lors des Journées Nationales de la Réparation, Envie prévoit d’ouvrir ses ateliers, de proposer des diagnostics gratuits et des démonstrations pratiques.
« Nous voulons montrer concrètement qu’il est possible de réparer, et reconnecter les citoyens à leurs objets », insiste Nesrine Dani.
La participation d’Envie s’inscrit dans une vision plus large : celle de faire de la réparation un réflexe citoyen et collectif, et non un acte exceptionnel.
Défis et perspectives
Malgré une amélioration de l’image de la réparation – 83 % des Français la perçoivent positivement en 2024 (ADEME) – seuls 36 % passent réellement à l’acte. Pour Envie, ce chiffre reste insuffisant.
Parmi les obstacles identifiés :
- le coût de certaines réparations, parfois dissuasif au regard du prix du neuf,
- la difficulté à recruter et former des techniciens qualifiés,
- la concurrence d’appareils bas de gamme neufs au cycle de vie très court.
Face à ces défis, Envie plaide pour renforcer l’accès à la réparation de proximité, développer les incitations au recours aux pièces détachées issues de l’économie circulaire (en accord avec la loi AGEC) et uniformiser les campagnes de sensibilisation du bonus réparation inter-filères.
Réparer : entre attachement et transmission
Au quotidien, les équipes d’Envie voient passer toutes sortes d’objets, des plus classiques aux plus insolites. Nesrine Dani se souvient par exemple d’une veilleuse d’enfant ou d’un projecteur de diapositives familial, apportés non pas pour leur valeur marchande mais pour l’attachement personnel qu’y portaient leurs propriétaires.
« Réparer, c’est redonner une chance à un objet, mais aussi préserver une part d’histoire et de mémoire. »
Réparer, prévenir, durer
Pour la Fédération Envie, la réparation est indissociable d’un mode de vie durable. Mais, comme le rappelle Nesrine Dani, le meilleur déchet reste celui que l’on ne produit pas :
« Si nous apprenons à mieux utiliser et entretenir nos appareils, nous aurons moins besoin de réparer. Et si nous devons réparer, alors faisons-le pour donner une nouvelle vie à nos objets. »
En somme, réparer n’est pas seulement un geste technique : c’est un acte de résistance face au gaspillage et à la surconsommation, et un levier d’inclusion sociale.